La peste à Marseille en 1720


   C'est en 1720 que débuta à Marseille la plus dévastatrice des pestes que la ville eut connue. Le 14 mai 1720, un bateau nommé le "Grand Saint Antoine", commandé par le capitaine Chataud accosta à Marseille. Ce dernier transportait un précieux chargement d'étoffes, principalement destiné à l'approvisionnement des marchés du Languedoc. Estimé à 100 000 écus, il appartenait au capitaine, Jean-Baptiste Chataud, et à plusieurs notables de la ville, dont le premier échevin, Estelle . Le bateau avait fait escale dans plusieurs ports du Levant, région où l'épidémie était signalée. Durant le voyage de retour, un passager, sept matelots et le chirurgien étaient morts. Toutefois, pour temporiser, le capitaine avait eu la précaution de faire escale à Livourne après que son navire eut mouillé une semaine dans la rade de Six-Fours. Les Italiens décelèrent une fièvre maligne. C'est muni de ce diagnostic qu'il arriva à Marseille le 25 mai. Manifestement, entre temps, les notables phocéens hautement intéressés pour récupérer la cargaison avaient aplani les possibles difficultés. Personne ne suspectait le terrible fléau. Un huitième matelot mourut le 27 mai -- mais le médecin du Bureau de la Santé n'y vit que du feu. Le bateau fut tout de même envoyé en quarantaine à Pomègues (Frioul). C'est alors que l'appât du gain fit commettre de tragiques erreurs. Les toiles, cotons filés et soieries, qui auraient été irrémédiablement gâtés par le soleil, furent néanmoins débarqués sur le port.

    Après une désinfection mal exécutée, Marseille est contaminée par le bateau. Malgré l'absence de connaissances scientifiques de la maladie, très vite, des médecins suspectent la peste. On sait que la maladie est contagieuse. Les malades qui furent touchés les premiers ont vraisemblablement tous été en contact avec les étoffes transportées par le grand Saint-Antoine et il s'avère que les puces porteuses se trouvaient dans les plis des étoffes et non sur les rats. Pourtant les échevins refusèrent l'évidence. L'épidémie commence par 1 ou 2 morts par jours. Mais à partir du 30 juillet les ravages s'amplifient : 40 morts par jours. Il commence à y avoir des morts suspectes aux alentours de Marseille. Les Marseillais fuient la ville. Le 9 août les ravages s'amplifient encore : 100 morts. Le 15 août le nombre de morts se triple. Le 17 août ,des mesures de sécurité sont prises dans Marseille. A partir du 22 août, 500 marseillais meurent chaque jour. A partir du 30 août, 1 000 marseillais meurent chaque jour. Il a fallu attendre que les marseillais meurent par centaines chaque jour pour que l'on admette qu'il s'agit bien de la peste, une des rares maladies à faire de semblables ravages.

TEMOIGNAGES :

Les chiens, acharnés sur les cadavres, les défiguraient et les traînaient sur le pavé ... On voyait passer ... des cadavres monstrueux , les uns enflés et noirs comme le charbon, d'autres bleus, violets et jaunes, tous puants et crevés, laissant la trace du sang pourri ... Le nombre de malades était si grand qu'on ne pouvait pas sortir des maisons sans leur marcher sur le corps ...

La frayeur de l'été 1720. 1000 morts par jour en septembre. La moitié de la population de Marseille disparaît, soit 50 000 âmes.


Comment les marseillais ont-ils lutté ?

Face à la panique qui s'emparait de la population devant un tel flot, il y a eu des actes de dévouements admirables.

Exemple : le chevalier Roze aujourd'hui connu pour l'enlèvement de plus de 1 000 morts

- Michel Serre (peintre) contribua fortement à soigner les pestiférés

- L'évêque BELSUNCE qui allait chaque jour visiter les malades

- Les échevins de la ville : MOUSTIER et ESTELLE


Quelles ont été les réactions devant ce fléau ?

Les réactions des habitants étaient généralement:

- La fuite

- L'isolement

- La superstition

    Le 14 septembre, le régent fait interdire toutes entrées et sorties à Marseille et ordonne la désinfection du courrier.

    Du 18 au 26 septembre, on brûle les étoffes apportées par le grand Saint-Antoine. Le bateau lui même connu le même sort sur l'île de Jeanne.

    Le 21 septembre : 400 morts. La question se pose, est-ce la fin de l'épidémie ?

    A partir du 1er octobre 1720, les ravages s' apaisent.

    Les soldats empêchent les malades venus des alentours de se faire soigner à Marseille.

    Les mendiants sont renvoyés de la Charité qui devient l'hôpital spécialisé pour soigner la peste.

    Le nombre de morts diminue. Il ne reste plus que 2 à 5 morts par jour le 30 novembre.

    La joie renaît auprès des Marseillais il n'y a plus de morts pour cause de peste.

    Après 230 jours de quarantaine l'équipage du grand Saint-Antoine rentre à Marseille.

    Le premier février il n'arrive plus de pestiférés à la Charité mais par contre c'est Toulon qui est atteint de la peste.

    Mais quelques semaines plus tard une mort suspecte redonne peur au Marseillais, deux jour après 3 morts.

    Deux maisons sont atteintes d'une maladie qui semble être la peste.

    Tout recommence comme en 1720, mais là les échevins agissent plus vite. La ville ferme ses portes, et crée un hôpital pour les riches et un pour les  pauvres. Un bateau de guerre empêche toutes sorties du port. Heureusement l'épidémie s'arrête ici.

C'est en 1723 que le commerce reprend avec les autres pays. Les relations sont redevenues normales avec le reste du monde.


A lire : La malédiction du Grand-Saint-Antoine de Patrick Mouton