L'Enigme de La Blancarde


    Premier volet d’une série de "polars historiques" (Les nouveaux mystères de Marseille), L’Enigme de la Blancarde publiée par Jean Contrucci aux Editions Jean-Claude Lattès retrace sous forme romancée un fait-divers irrésolu, l’affaire Magnan, qui défraya la chronique marseillaise vers la fin du XIXème siècle. Une très belle réussite pour ce roman d’excellente facture, au style agréable et précis, dont la structure, le rythme et le ton constituent sans nul doute un hommage réussi aux grands feuilletons populaires qu’Alexandre Dumas ou Emile Zola distillaient à la ligne pour les quotidiens de leur temps. Comme ses illustres prédécesseurs, Jean Contrucci a su intelligemment mêler à une intrigue policière passionnante une très intéressante fresque sociale où les détails historiques apportent en petites touches à la justesse du récit. L’action est bien soutenue et l’évocation du Marseille bourgeois, ouvrier ou interlope de l’époque est finement restituée. Jean Contrucci paye aussi son écot à des romanciers plus contemporains et son héros Raoul Signoret, journaliste de son état, n’est pas sans rappeler le Rouletabille de Gaston Leroux. Mais il porte également indubitablement en filigrane la marque de son auteur, qui fut longtemps chroniqueur pour "La Provence".

    Situé à six kilomètres du centre de Marseille et essentiellement peuplé de retraités et de rentiers, le hameau de la Blancarde est un lieu paisible jusqu’à ce matin de décembre 1891, où la riche veuve d’un négociant marseillais, Mme Magnan, est retrouvée étranglée dans son lit. Son fils adoptif Louis Coulon, suspect tout désigné par son caractère chafouin et geignard et ses habitudes dispendieuses, est rapidement arrêté. Convaincu du crime sur le témoignage accablant d’Adèle, la bonne de la victime, ce coupable idéal est, en dépit de ses dénégations, condamné à purger au bagne de Cayenne une peine de travaux forcés à perpétuité. Intrigué par une lettre de Coulon écrite après sa condamnation, Raoul Signoret, journaliste au «Petit Provençal» reprend 3 ans plus tard, avec l’appui de son oncle, le commissaire principal Eugène Baruteau, le fil de cette enquête visiblement trop facile. Le hasard et la perspicacité du jeune homme mettront alors à jour de nouveaux éléments de nature à reconsidérer le drame. Le policier et le reporter vont alors patiemment s’employer, en une amicale rivalité, à dénouer les fils de cette ténébreuse et surprenante affaire.

    Un très agréable moment de lecture qui tient avec bonheur et dans un style impeccable le lecteur en haleine. A consommer sans modération.

Le Transbordeur de Marseille : Le site de l'Association des Marseillais du Monde


     Bien que paraissant dans une collection non policière, ce roman aux qualités littéraires indéniables est aussi un excellent “polar historique” tant l’évocation de ce Marseille de la fin du XIXième siècle est restituée avec une grande justesse. Il faut dire que Jean Contrucci connaît bien son sujet, puisqu’il a écrit, pendant plusieurs années, une chronique hebdomadaire dans La Provence relatant petits et grands évènements de cette ville. (Ca c’est passé à Marseille, 5 volumes, collection Autre Temps). Et l’affaire Magnan y figurait.

     Jean Contrucci la fait revivre  avec précision, mais il a su l’agrémenter de personnages attachants, comme le journaliste Raoul Signoret, sorte de Rouletabille marseillais, son oncle, le policier Baruteau, dont l’épouse “préparait (...) des raviolis, qu’en bonne Italienne d’origine elle confectionnait elle même, en les farcissant d’un restant de daube. Le coulis fait de tomates conservées en bocaux par ses soins, dont elle comptait les napper, mijotait dans une casserole mise à feu doux sur la cuisinière à bois. Le parmesan avait été râpé à l’avance et placé à l’abri dans un récipient couvert, à l’ombre, sur un appui de fenêtre.” (Excusez cette longue citation, je n’ai pas pu résister, l’eau m’en vient à la bouche !). Il faut aussi citer la fiancée de Raoul, la belle et tendre Cécile dont les parents “...nouveaux riches du négoce qui, pour singer les gens de la haute, étalaient leur fortune, mais gardaient une mentalité d’épiciers !” s’opposent fermement à leur mariage.

     Tout en maintenant l’intérêt de cette enquête aux nombreux rebondissements, Jean Contrucci nous régale en peignant un tableau de ce Marseille d’autrefois comme si on y était, que ce soit le port avec ses bateaux à voiles ou le quartier réservé où se côtoient toutes les classes sociales de la ville. En voici un petit échantillon : “...soldats des troupes coloniales aux chéchias rouges ou aux culottes bouffantes, gouapes à casquettes plates, un foulard noué autour du cou en signe distinctif...”.

     Il sait émailler son texte, sans l’alourdir, de justes descriptions croquées sur le vif : “A huit jours de Noël, il faisait à Marseille une de ces journées exceptionnelles qui vous laissent croire, au coeur de l’hiver, que le printemps est revenu. La lumière était craquante, le ciel d’un bleu qui exagérait et un léger mistral en fin de course avait chassé le moindre nuage”, ou  de détails historiques, comme la mort de Rimbaud à l’hôpital de la Conception, ou encore : “Raoul n’était pas peu fier de son coursier de métal dont il venait de faire équiper les roues à rayons de fil de fer - conçues par le Marseillais Rousseau - de la récente invention d’un vétérinaire écossais, John Boyd Dunlop : des bandages pneumatiques qui amortissaient les secousses”. J’arrête, sinon cette note va devenir interminable.

     Tout cela concourt au plaisir de lecture et fait de ce roman un véritable joyau qu’on lit avec gourmandise, en savourant chaque page.

     “L’énigme de la Blancarde” porte en sous-titre : “Les nouveaux mystères de Marseille”. Tout comme Léo Malet a écrit les “Nouveaux Mystères de Paris”, il est à espérer que Jean Contrucci continue dans cette voie et nous donne d’autres romans de cette qualité.

par René Barone


    Homme de cœur, de conviction et de courage, Jean Contrucci ne cesse de mettre en scène Marseille, sa ville natale. S'inspirant d'une affaire judiciaire de la fin du XIXe siècle, l'écrivain-journaliste nous embarque dans une enquête, menée de main d'expert, à ranger du côté des aventures de Rouletabille. Qui a pu assassiner chez elle, le 15 décembre 1891, Marie-Thérèse Magnan, âgée de 81 ans ? Suspecté, son fils adoptif est condamné au bagne à perpétuité. Jugement rapide qui incite un policier et un intrépide journaliste à reprendre l'enquête à zéro. Le lecteur plonge alors dans un polar haletant qui est aussi une méticuleuse reconstitution du vieux Marseille.

par Jean-Rémi Barland, Lire, février 2003


    Le quartier de la Blancarde, sis à environ deux kilomètres de Marseille, est un hameau paisible, séparé de la grande ville par la ligne du chemin de fer de Toulon, et de vergers, de prairies et de jardins. Jusqu’en ce jour du 16 décembre 1891, où un crime affreux est découvert. Madame Magnan, une riche veuve octogénaire a été assassinée. Les soupçons se portent immédiatement sur le fils adoptif, Louis Coulon, un homme dépensier, criblé de dettes de jeu. “ On ” l’aurait aperçu franchissant le mur séparant son jardin de celui de la rentière défunte. A ses dires, il rendait visite à Adèle Cayol, la petite bonne de quinze ans, qui lui prodiguait des gâteries. Elle aussi est suspectée un temps. Mais le faisceau de preuves et les divers témoignages désignent comme seul coupable Coulon. Raoul Signoret, jeune journaliste au Petit Provençal, a suivi l’enquête dès le début, à la faveur de ses relations privilégiées, son oncle étant sous-chef de la sûreté de Marseille. Et s’il était mieux renseigné que ses confrères, c’est aussi un peu grâce à son sens de l’observation, sa faculté d’écouter et de faire parler les témoins, de son opiniâtreté et de son charisme. Pendant le procès, Coulon se défend mal, tergiverse, et la sanction est implacable : il est condamné au bagne. Le temps passe mais Eugène Baruteau, l’oncle de Raoul, n’est guère satisfait du dénouement de cette affaire. Quant à Raoul, il a d’autres chats à fouetter, expression triviale qui veut dire qu’il a des démêlés avec les parents, du moins le père, de Cécile, celle qu’il aime et dont les sentiments sont partagés. L’affaire qui semblait enterrée connaîtra à nouveau les feux de la justice, et des médias, lorsque, par hasard, Raoul trouvera sur son chemin Adèle, dans une rue dédiée aux activités lucratives des plaisirs de la chair.

    Les rebondissements, les retournements de situations, les dénégations de l’accusé principal, les nouveaux aveux d’Adèle, les différents procès, un épilogue à double facette, à double tranchant pourrait-on dire si la guillotine eut été préférée au bagne, font de ce roman une lecture plus qu’agréable. Car Jean Contrucci ne se contente pas de narrer une affaire dont il a puisé la trame dans un fait-divers réel, auquel il apporte sa vision, et sa solution, mais également il nous prouve que la société, quoiqu’on puisse croire, n’a guère évoluée. Ne serait-ce pour preuve que la dénonciation du sort des prostituées, du rôle de la justice ou encore des conditions de travail des infirmières qui sont décriées par des personnages dont les prises de position sont rétrogrades ou manquant d’humanisme. Premier volet des aventures de Raoul Signoret mais également de ses amours avec Cécile, un heureux mélange qui ne manque pas de piquant et parfois d’humour.

par Paul Maugendre