Les parrains de la Côte, (Bruno Aubry, Editions L'Ecailler du Sud, 2005)

par Frédéric Vignale pour Le Mague journal


    Voici le retour des Parrains, et c’est tant mieux, n’en déplaise aux puritains, aux pisse-froid, aux petits profs de bonne morale et à la flicaille trop zélée. La frauduleuse histoire de la Pègre, du Milieu et du grand banditisme en Provence méritait bien cette bible érudite fort bien documentée et orchestrée avec le talent et le savoir-faire de Bruno Aubry.

    « Les parrains de la côte » est un document rare, accessible, fouillé, sans complaisance ni fausse pudeur qui analyse les faits et les méfaits d’un groupe qui a sévi, animé et occupé les fonds et les bas-fonds pendant près de 100 ans à Marseille, dans le Var et sur la côte d’Azur.

    Qu’on se le dise, les Bandits, dignes de ce nom, ne sont pas de simples malfrats ou des gangsters de secondes zones ! Ce livre se veut avant tout un catalogue du haut du pavé en la matière, de la crème de la crème, de ceux qui ont choisi d’avoir un véritable code de l’honneur et de s’y tenir. Ce document se lit comme un roman, au travers de portraits truculents de ces personnages dont les surnoms participent déjà à leur mythologie. Faîtes ainsi connaissance avec « Savonnette », « Mémé » Guerini « Le Grand », « le Mat », « Le Chinois », Francis « Le belge » et autres « Anguille » ou « Lucky Luke ».

    « Les parrains de la côte » est un livre complet rien ne manque, régalez-vous ainsi en toute fin de l’ouvrage avec le glossaire du parfait parrain qui fera le catalogue non exhaustif des mots - et leurs définitions, employés par ces classieux délinquants au verbe haut.

    Mais « Les parrains de la côte » c’est avant tout une incroyable galerie de portraits de ces enfants turbulents du siècle avec leur gouaille et leur dégaine qui inspira tant Audiard et le cinéma français.

    Les caïds ainsi racontés forment une cosmogonie particulièrement bien campée, décrite et détaillée qui n’a rien à voir avec les idées reçues et la mauvaise littérature qui va souvent de pair avec la peinture de ce milieu. Construit sans affect et sans prosélytisme, le banditisme made in « Le Sud » est narré d’un point de vue historique, journalistique et érudit n’omettant aucune savoureuse anecdote ou bien détail qui « tue ». Ces focales sont agrémentées de témoignages fort judicieusement adjoints comme notamment cette interview très pertinente de la célèbre avocate Sophie Bottai qui mérite d’être lue et relue (entre les lignes).

    Enfin, le livre fait le point sur certaines affaires particulièrement marquantes dans l’histoire des faits divers comme celle de Yann Piat ou de la Guerre des cliniques. Voilà un ouvrage de référence qui retranscrit une époque qui n’est plus et qui n’a rien à voir avec les mœurs douteuses et peu scrupuleuses de la caillera actuelle. Bruno Aubry vous écrit d’un temps où même les truands méritaient un respect dû à leur rang. Et on pourrait presque regretter cette époque révolue.

    "Les parrains de la côte" font mouche. C’est du boulot bien propre et sans bavure. A posséder d’urgence si vous avez, comme moi, une tendresse particulière et pas du tout honteuse pour ces voyous-là !!


270 pages, Prix : 15 €